INTERVENTION DU CIPPA AU COLLOQUE du 04/11/2017
En Juillet 2016 le gouvernement par l’intermédiaire de monsieur Macron, alors ministre des finances et de madame Ségolène Royal ministre de l’environnement a vendu la centrale géothermique de Bouillante à une compagnie américaine, sans même se préoccuper de l’avis des élus et du président du Conseil régional. Pourtant les lois de décentralisation et notamment la loi NOTRe indique que c’est le Conseil Régional qui a la charge du développement économique. Pourtant, ce même Conseil Régional de la Guadeloupe a accordé et accorde encore, depuis des années, des exonérations d’octroi de mer pour les biens d’équipements et les pièces détachées de la centrale géothermique de Bouillante. Il faut noter qu’en matière de fiscalité une exonération de taxes est considérée comme une aide. Cet épisode montre les limites du pouvoir des élus guadeloupéens et du peu d’estime du pouvoir central à leur égard.
Plus grave, le modèle économique néolibéral imposé à la Guadeloupe est décidé, à 7 000km, par la France et l’Union européenne.
Les différents accords internationaux de libre-échange, dont l’accord de partenariat économique, signé par l’Union européenne avec 76 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, l’ont été dans le sens des intérêts de l’Union Européenne et au détriment des intérêts de la Guadeloupe qui subit de plein fouet, la concurrence de pays tropicaux, qui produisent, en quantité et à des coûts moindres les mêmes productions agricoles que la Guadeloupe.
Au niveau institutionnel, l’assimilation a été poussée jusqu’à l’absurde. En voulant sauvegarder au maximum l’assimilation entre l’organisation administrative des DOM et celle de la métropole , la jurisprudence du Conseil constitutionnel a conduit à cet aberrant paradoxe : une superposition sur le même territoire, d’une région et d’un département, alors qu’en France une Région coordonne l’action de plusieurs départements. La dernière réforme territoriale en fusionnant plusieurs régions en France, a encore rendu plus caricatural notre statut de région monodépartemental.
I-Décentralisation et Désengagement
Beaucoup de Guadeloupéens ont pensé et pensent encore que la décentralisation a confié de vrais pouvoirs aux élus de notre archipel. En réalité, c’est un marché de dupes.
Ainsi un transfert à la région d’un rôle économique, ne veut pas dire un transfert de la politique économique. En réalité, l’Etat s’est désengagé. L’Etat a en effet cherché à réduire son déficit par une politique de transferts de compétences, sans accorder l’équivalent en termes de ressources. Les collectivités de la Guadeloupe ont dû faire face à des retards d’investissements importants, notamment en matière de construction de lycées, de collèges, de canalisations du réseau d’eau potable, de traitements des déchets, etc., sans que les montants de la dotation départementale d’équipement des collèges ou que la dotation régionale d’équipement ne tiennent compte de ces besoins. Il est clair que l’état déplorable et l’insuffisance des équipements scolaires n’ont pu être améliorés que grâce à une mobilisation massive des collectivités. L’Etat a transféré au conseil général, devenu conseil départemental, la gestion du RSA, dont le nombre des bénéficiaires est en constante augmentation : 48 000 fin 2016. La loi du 20 juillet relative aux services d’incendie et la loi du 20 juillet 2001, relative à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et à l’allocation personnalisée d’autonomie ont également contribué à peser lourdement sur le budget des collectivités locales, qui ont dû, pour faire face à ces charges nouvelles, augmenter la fiscalité locale, au détriment du pouvoir d’achat des contribuables.
L’Etat a lui-même incité les collectivités locales à financer des compétences ne relevant pourtant que de lui seul.
D’autre part, les transferts de compétences ont également pris une forme plus insidieuse sous la forme des contrats de plan Etat-Région. L’Etat se dégage progressivement dans des domaines qui pourtant lui reviennent notamment pour le financement des constructions universitaires.
A ces transferts de compétences, sont venus s’ajouter des charges nouvelles imposées par l’Etat induites par des réglementations toujours plus contraignantes dans des domaines techniques, tels que :
Prévention des risques naturels (confortement parasismique établissement scolaires et bâtiments de crise, lutte contre les inondations)
ETAT REGION DEPARTEMENT TOTAL |
47,63 M€ 57,84 M€ 22,61 M€ 128,08 M€ |
Maisons de santé pluridisciplinaires
ETAT REGION TOTAL
0,5 M€ 0,25 M€ |
0,75 M€ |
Établissements d’enseignement supérieur
ETAT REGION TOTAL |
7,5 M€– 7,5 M€ 15 M€ |
Faculté de medécine et Ecole d’ingénieur
ETAT REGION TOTAL
10 M€ 10 M€ 20 M€ |
Enfin, il faut ajouter le chômage massif, 25% de la population active, soit environ, trois fois plus qu’en France, ce qui oblige les collectivités à faire un traitement social du chômage en embauchant un personnel pléthorique, pas toujours qualifié. Beaucoup de cadres C, très peu de cadres A. Ce traitement social du chômage fait exploser les budgets de fonctionnement de ces collectivités qui sont pour la plupart en déficit.
II-L’Etat garde la compétence fiscale
C’est l’Etat qui fixe le montant de l’impôt sur le revenu, qui perçoit la totalité de cette recette, ainsi que la totalité de la TVA. Recettes qui sont en constante augmentation. Il laisse à la Région, la gestion de l’octroi de mer, mais fixe les règles et les limites. Ces règles deviennent à chaque réforme de plus en plus contraignantes, comme l’obligation de taxer la production locale, à partir d’un seuil de 300 000 euros.
Ainsi, les centres de décisions s’éloignent et vont s’éloigner un peu plus pour les Guadeloupéens. Départementalisation, intégration européenne et par le biais de l’Union européenne, intégration au marché mondial, voilà donc la nouvelle réalité économique et politique.
III-Une nouvelle métropole : l’Union européenne
Avec les différents traités européens, beaucoup de compétences de la nation française ont été transférées à l’Union Européenne. C’est le cas de la politique commerciale commune, de l’Union douanière, de l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur européen, de la conservation des ressources biologiques de la mer et enfin la conclusion d’accords internationaux. La Guadeloupe, n’est propriétaire, ni de sa mer, ni de son sous-sol, ni de sa biodiversité
Comme l’Etat, l’Union européenne, a aussi des compétences exclusives.
L’UE, c’est la libre circulation des personnes, des marchandises, des capitaux et des services. C’est la concurrence libre et non faussée, c’est-à-dire, la compétition entre les pays, les entreprises et les hommes, c’est-à-dire la loi du plus fort. A ce jeu, nous sommes et nous serons toujours perdants.
Avec la construction européenne et surtout depuis le 1er janvier 1993, les Etats membres ont transféré à l’Union européenne un certain nombre de pouvoirs qui sont de la compétence exclusive de l’Union Européenne. A titre d’exemple, c’est l’Europe qui fixe les quotas d’importation de la banane et du sucre. Qui augmente ou diminue les droits de douane, qui signe les accords commerciaux au niveau des pays membres de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
C’est aussi l’UE qui détient le pouvoir dans le cadre du grand marché intérieur européen. C’est le cas pour l’Union douanière, les règles de concurrence nécessaire, la politique monétaire. C’est en effet Bruxelles qui décide quelle marchandise il faut laisser entrer librement et quelle autre marchandise qu’il faut protéger. Le tarif des douanes est un tarif commun aux 28 pays de l’Union. Les droits de douane perçus aux frontières extérieures des 28 pays sont des recettes de l’Union.
A titre d’exemple, les droits de douane perçus sur une voiture japonaise ou coréenne sont des recettes de l’UE, même si ces droits sont perçus à Pointe-à-Pitre.
C’est aussi le cas de la pêche. La pêche relève, en effet, de la compétence de l’Union Européenne.
La pêche est une politique commune européenne, avec des règles communes adoptées au niveau de l’Union et appliquées à tous les États membres
C’est ainsi que les aides ont, depuis 2005, été exclusivement affectées à l’amélioration de la sécurité, des conditions de travail à bord.
Dans les domaines de sa compétence, seule l’Union peut légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants. Les Etats membres ne peuvent le faire par eux-mêmes que s’ils sont habilités par l’Union, ou pour mettre en œuvre les actes de l’Union. Nous l’avons vu récemment avec le débat européen sur les travailleurs détachés.
IV- Le cadre statutaire actuel n’a fait qu’aggraver la situation économique de la Guadeloupe.
Jusqu’en mars 1946 la Guadeloupe était une colonie, ses rapports avec la métropole étaient régis par les trois clauses du pacte colonial :
- la colonie achète tout ce qu’elle consomme à la métropole
- la colonie vend à la métropole tout ce qu’elle produit
- le commerce entre la colonie et la métropole se fait sous le monopole du pavillon
Peut-on affirmer sérieusement que les structures coloniales de l’économie de la Guadeloupe aient changé depuis cette époque ? Seule différence : la métropole, c’est maintenant l’Europe des 28. Actuellement, en dehors de quelques biens de consommation (voitures japonaises ou coréennes…), ou de quelques produits tropicaux, originaires d’Amérique du Sud ou d’Asie, la Guadeloupe achète tout à l’Union Européenne, plus de 75% de nos importations.
La Guadeloupe exporte très peu : son sucre, son rhum, sa banane et son melon en Europe. Le transport des marchandises et des hommes se fait sous pavillon français. Les instruments qui ont été mis en place à l’époque coloniale, l’ont été pour que la Guadeloupe devienne un marché pour les produits de la métropole. En aucun cas, les producteurs de la Guadeloupe ne doivent concurrencer les producteurs de la métropole coloniale.
Le grand marché intérieur européen avec une union douanière entre les 28 pays membres est l’un des instruments actuels mis en place par les classes dirigeantes européennes : un marché unique où circulent librement les marchandises à l’abri de la concurrence extérieure. L’Union Douanière avec les pays de l’Europe et le libre-échange que cette même Europe nous impose avec ses partenaires commerciaux interdisent toute réelle industrialisation et tout développement de la production locale. Nos producteurs ne peuvent lutter ni contre l’industrie ni contre l’agriculture européennes. La libéralisation des échanges dans le cadre de la mondialisation capitaliste, avec les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), ne font qu’aggraver la concurrence que subit notre pays.
La Guadeloupe faisant partie du territoire douanier européen, tout accord signé par l’Union s’applique de plein droit dans notre pays.
Contrairement à ce qu’affirment les dirigeants politiques actuels, l’appartenance au territoire douanier européen n’est pas un avantage mais plutôt un inconvénient. D’ailleurs à ce sujet, on peut estimer qu’ils font preuve de moins de lucidité que nos conseillers généraux de 1946, qui quelques mois après la loi de départementalisation, faisaient le 14 juin 1946 la déclaration suivante : « Considérant que la Guadeloupe jouit de l’autonomie financière et d’un statut particulier, considérant que l’intérêt du pays exige le maintien de l’autonomie, nous demandons que l’autonomie financière et le statut douanier de la Guadeloupe ne subissent aucun effet du fait de l’assimilation ». Hélas !
V- La situation économique et sociale se dégrade
Au niveau social, le chômage continue à augmenter, il touche en juillet 2014, près de 70 000 personnes sur une population active de 159 000 personnes. Les jeunes sont particulièrement touchés, près de 60% de chômeurs parmi les moins de 30ans. Le Revenu de Solidarité Active (RSA) est une prestation qui garantit un montant minimal de ressources aux personnes sans activité et permet d’assurer un complément de revenu aux personnes qui ont de faibles revenus. Il remplace notamment le revenu minimum d’insertion (RMI) et l’allocation parent isolé (API). Ils sont 42 054 en Guadeloupe à le percevoir (21,1 % de la population active).
Sur le plan économique, la Guadeloupe produit de moins en moins de richesses : les productions traditionnelles – banane et sucre – sont en nette régression. Quant à la production de légumes, elle continue de diminuer. Elle s’élevait en 2013 à 25 678 tonnes contre 52 700 tonnes en 2009. Exposée à la pollution par le chlordécone, la production de tubercules, racines et bulbes poursuit son déclin pour s’établir à 3 657 tonnes. La production de fruits (hors banane) atteint 5 771 tonnes en 2013, contre 12 626 tonnes en 2012. Source iedom rapport 2013
100 pour 100 du lait consommé dans notre pays sont importés …
La production de viande animale n’atteint qu’un taux de couverture de 21% de la consomlmation.
Même le poisson, qui devrait être une de nos richesses, ne couvre que 50% de notre consommation.
Quant au tourisme, qui nous a été présenté comme une alternative au déclin des deux cultures d’exportation, il n’arrive pas vraiment à décoller. Bien au contraire, beaucoup d’hôtels ont fermé ces dernières années, d’autres sont sous perfusion. L’industrie régresse… même si la très importante zone commerciale de Jarry ou sévissent les rois de l’importation, s’appelle pompeusement Zone Industrielle de Jarry.
L’activité ne repose que sur l’emploi public et les services, alimentés quasi exclusivement par les transferts publics et sociaux.
Devant l’échec de la politique économique actuelle basée uniquement sur l’importation massive de produits les plus élémentaires et la disparition des activités productives, il devient impératif de trouver une autre voie, une alternative économique et politique. Après le mirage de la défiscalisation qui a servi d’effet d’aubaines pour certains riches contribuables de France et une petite minorité de privilégiés Guadeloupéens, après l’échec des soit disant niches à l’exportation, les élus actuels veulent poursuivre sur la même voie (sans issue). Il est temps de se poser la question : Que FAIRE ?
VI- Pour une nouvelle politique économique
Le statut de région européenne de la Guadeloupe, axé sur la logique économique du libre-échange, ne lui ouvre aucune perspective de développement. Le libre-échange favorise les pays les plus développés et les pays émergents comme la Chine, l’Inde et le Brésil…
Cette mondialisation capitaliste a, pour conséquence la plus directe pour nous, l’ouverture des frontières européennes et le démantèlement des systèmes préférentiels. Le marché européen, sera de moins en moins accessible aux productions traditionnelles de la Guadeloupe : sucre et banane. L’autre conséquence de la mondialisation, c’est aussi l’ouverture de nos frontières non seulement aux productions des pays riches du Nord, mais également à tous les autres pays : soit par importation directe (pois d’angole de Saint Domingue, ignames de Costa-Rica…) ou indirectement par le biais des importations européennes (ouassous, poissons du Brésil ou du Venezuela …)
Le choix pour un véritable développement est limité. Il sera de plus en plus difficile de conquérir des marchés extérieurs, ou de garder le marché de la France pour les productions taditionnelles (sucre, banane) issues de la colonisation. La vraie et seule alternative passe par la conquête du marché intérieur.
Etant donné le bas coût de revient des produits importés, la plupart des produits agricoles de la Guadeloupe est appelée à disparaitre, s’il n’y a pas une protection de la production guadeloupéenne.
Pour créer les conditions objectives permettant de mettre en place la préférence guadeloupéenne.
Il ne s’agit pas de basculer dans un protectionnisme généralisé, mais d’accepter et de faire accepter par la population, délibérément les surcouts engendrés par la création d’activités génératrices d’emplois en Guadeloupe. Il s’agit d’inverser ponctuellement, production par production, service par service, les mécanismes socio-économiques ayant entrainé depuis un demi-siècle, l’enrichissement de quelques gros importateurs et d’une manière concomitante la disparition de l’appareil productif du pays et l’augmentation exponentiel du chômage. Une telle protection s’effectuerait au moyen de droits de douane et de taxes spécifiques sur des importations spécifiées, pour compenser le handicap en termes de coût de production.
Dans le cadre de cette protection, certains produits seraient plus chers, par contre, d’autres, qui ne nécessitent pas de protection, le seraient moins. En tout cas, il n’y a pas d’autre alternative, si on veut avoir une économie de production et rapatrier des milliers d’emplois qui sont créés ailleurs, grâce à nos importations. Et créer la dynamique du développement et de l’éradication du chômage de masse.
Comment conquérir le marché intérieur ?
VII- INNOVER- PRODUIRE ET PROTEGER SON MARCHE.
Pour protéger les productions guadeloupéennes et conquérir le marché intérieur, il faut obligatoirement un Tarif douanier Guadeloupéen. Ce tarif douanier Guadeloupéen aura un double objectif : protéger la production industrielle et agricole de la Guadeloupe et procurer des recettes fiscales pour aider au développement économique.
Puisque les produits concurrents importés sont moins chers, le principe de base sera de taxer les importations de toutes provenances, hormis celles de la Martinique et de la Guyane. Cette taxe serait la compensation entre l’écart de prix existant sur ces importations et les prix fixés sur le marché local.
La protection du marché intérieur guadeloupéen vis à vis de l’extérieur, y compris la France va s’effectuer à l’aide de différents instruments tels les prélèvements agricoles et les Droits de Douanes perçus aux frontières de la Guadeloupe.
– Le Prélèvement sera l’instrument essentiel de protection du marché intérieur. Il sera :
a) Exigible à la frontière dès que sera constaté par les autorités Guadeloupéennes un écart entre le prix des importations et le prix du marché local.
b) Variable : contrairement à l’octroi de mer actuellement ou aux droits de douane qui sont stables, les prélèvements vont varier en fonction des écarts de prix qui seront constatés périodiquement par les autorités entre le prix de protection et les prix sur le marché mondial.
c) Spécifique : il ne sera pas, comme l’octroi de mer et l’octroi de mer régional, une taxe calculée sur la valeur, mais sur le poids net du produit importé.
d) Mobile : il sera calculé sur le produit importé le moins cher.
Autre instrument : Les droits de Douane :
Ils seraient fixés à partir d’un tarif des douanes guadeloupéen qui se substituerait au tarif de Bruxelles. Dans le domaine agricole, mais aussi dans le domaine industriel.
Mais cela ne suffit pas, il faudra mettre en place une organisation du marché intérieur. Cette organisation devra reposer sur quatre éléments :
- La fixation annuelle des prix par le pouvoir exécutif guadeloupéen
- La mise en place d’un système d’échanges avec l’extérieur reposant sur le jeu d’une protection aux frontières par l’application de prélèvements variables perçus lors des importations
- Le soutien du marché intérieur basé sur l’obligation pour les collectivités locales (cantines, mais aussi hôpitaux et autres établissements publics) de s’approvisionner en priorité auprès des producteurs guadeloupéens
- Création d’un fonds agricole. Ce fonds serait destiné à répartir les compléments de recettes aux agriculteurs victimes de la concurrence extérieure et des calamités naturelles
Ces garanties de prix et l’assurance d’un débouché pour leurs produits encourageraient les producteurs agricoles à augmenter leurs productions.
Tout cela n’est pas possible avec le statut actuel
VIII- QUEL STATUT pour la Guadeloupe
Le statut de région européenne de la Guadeloupe, axé sur son intégration à la logique du libre-échange et de la libre confrontation de coûts comparatifs, ne lui ouvre aucune perspective de développement, au contraire, il la conduit à la destruction de ses activités productives. Ce statut de département d’outre-mer ne permet ni de construire une économie équilibrée, ni d’imaginer un modèle de société adaptée aux réalités de la Guadeloupe et aux capacités de son peuple.
Alors quel statut ? Certains nous diront que pour exporter sur le marché européen il vaut mieux être un DOM. A ce sujet il est bon de consulter l’excellent Rapport du commissariat au plan, présidé par Gérard Belorgey qui en 1993(* le défi des singularités), faisant la comparaison entre le statut d’un TOM et d’un DOM, affirmait : « Pour vendre, un PTOM est autant en Europe qu’un DOM ; mais, à la différence du Pays Territoire Outre-Mer (PTOM), le DOM ne peut se protéger. Pour les produits tropicaux à l’export, être DOM ou PTOM revient au même. » Pour les importations de produits industriels venant des PTOM, les règles d’origine sont moins strictes que pour les DOM.
Le régime commercial pour les produits originaires des PTOM (l’origine étant fondée sur des règles d’origine propres aux accords préférentiels) est celui du libre accès total dans la Communauté .Ce choix du Conseil Européen s’appuie sur les relations particulières entre la Communauté et les PTOM, fondées sur les dispositions du traité de Rome et en particulier de sa quatrième partie.
D’un point de vue juridique des ressortissants des PTOM sont européens en tant qu’individus : conformément aux constitutions respectives des Etats membres, les ressortissants de PTOM danois, français et néerlandais, plus ceux des îles Falkland pour ce qui concerne les PTOM britanniques, ont exactement la même nationalité que les autres ressortissants danois, français, néerlandais ou britanniques. Ils peuvent donc, comme les autres citoyens communautaires, se prévaloir des avantages découlant du droit dérivé .Voilà pour ceux, qui considèrent que changement de statut veut dire indépendance.
La remise en cause de la départementalisation ne doit pas conduire à transférer simplement de nouvelles compétences aux notables libéraux, c’est-à-dire vers une forme de néocolonialisme encore plus néfaste que le colonialisme.
Il faut que le nouveau statut renferme suffisamment de pouvoir pour mettre tout de suite en place une nouvelle politique économique. En premier lieu, la Guadeloupe doit sortir du territoire douanier communautaire au même titre que les PTOM. La nouvelle collectivité doit avoir le pouvoir de légiférer sur la fiscalité, le commerce extérieur, l’éducation, la politique économique, le transport, la coopération avec les peuples, la législation du travail, le sport…
Nous devons avancer vers l’autosuffisance alimentaire, nous rapprocher le maximum du plein emploi, assurer la justice fiscale, protéger notre environnement, décoloniser notre culture, nous insérer dans le mouvement mondial contre la mondialisation néo-libérale.
Cela suppose une véritable réforme agraire, avec la distribution des terres aux jeunes agriculteurs. Cette réforme agraire doit se faire dans le cadre d’une planification incitative.
Pour enrayer le déclin de la Guadeloupe et offrir une perspective à la jeunesse, il faut mettre en place une ALTERNATIVE POLITIQUE. La question statutaire devient d’une urgence prioritaire. L’Alternative est possible. Elle passe par la mise en place d’un Pouvoir Guadeloupéen qui définira avec le pouvoir central un partage de compétences.
I X- LES INSTITUTIONS
Nous l’avons vu, les institutions actuelles sont sources de conflits de compétences entre les différentes collectivités territoriales : conseil Régional, conseil départemental, Communautés d’agglomérations, etc. Ensuite, elles sont inefficaces parce qu’elles ne donnent pas à la Guadeloupe, les moyens juridiques et politiques de son développement.
Comme la loi organique l’a reconnu pour la Polynésie, nous voulons pour la Guadeloupe une autonomie administrative et financière, avec des compétences dans le régime fiscal et douanier, dans le domaine public maritime et un droit d’exploitation et d‘exploration des ressources de notre Zone Economique Exclusive.
Le CIPPA milite, depuis sa création, pour que la Guadeloupe soit un Pays d’outre-mer au sein de la République, dont l’autonomie sera régie par l’article 74 de la Constitution. Elle doit se gouverner librement et démocratiquement, par ses représentants élus et par la voie du référendum local, dans les conditions prévues par la loi organique. La République française doit garantir l’autonomie , favoriser l’évolution de cette autonomie, de manière à conduire durablement la Guadeloupe au développement économique, social et culturel, dans le respect de ses intérêts propres, de ses spécificités géographiques et de l’identité de sa population. La Guadeloupe doit déterminer librement les signes distinctifs permettant de marquer sa personnalité dans les manifestations publiques officielles aux côtés de l’emblème national et des signes de la République. Elle pourra créer un ordre spécifique reconnaissant les mérites de ses habitants et de ses hôtes.
Conclusion
La Guadeloupe se trouve à la croisée des chemins. Toutes les composantes du peuple guadeloupéen doivent maintenant se rassembler pour proposer et définir une nouvelle voie. Cette voie devra être celle de l’émancipation sous toutes ses formes, de la tolérance, de la concertation, d’un nouveau développement économique, de la solidarité active, de la responsabilisation et surtout celle d’un projet de société cohérent, réaliste et porteur de bien-être pour tous. Pour l’heure, des hommes et des femmes travaillent avec conviction et espoir afin de la tracer. Chaque jour, des hommes et des femmes ayant pris connaissance de ce fondement de principe et de valeur souhaitent s’y consacrer dans un esprit d’unité.
Oui, chers compatriotes, la voie existe et il nous faut maintenant l’emprunter ensemble !