19/03/2024

Terres de luttes, de Romain Jeanticou

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Où et pourquoi se mobilise-t-on aujourd’hui en France ? Il existe, dans certains territoires, une tradition de lutte spécifique qui s’est ancrée localement et se perpétue. Du littoral breton aux banlieues parisiennes, de la campagne basque aux universités lyonnaises en passant par l’archipel guadeloupéen, le journaliste Romain Jeanticou est allé à la rencontre de celles et ceux qui mènent ces combats. Dans les potagers de Notre-Dame-des-Landes, Paul, le doyen de la ZAD, raconte une vie de luttes bottes aux pieds en Loire-Atlantique. À Grenoble, Anne, jeune militante féministe, renouvelle les combats du tout premier planning familial du pays. À travers sept territoires et des dizaines de récits intimes et politiques, l’auteur dresse un tableau vivant de l’évolution du militantisme. On y entend les désillusions, la violence et le poids de l’engagement sur les existences, mais aussi le coeur vibrant et joyeux de la lutte.

Romain Jeanticou est grand reporter au magazine Télérama, où il couvre depuis 2017 les luttes politiques et sociales.

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One thought on “Terres de luttes, de Romain Jeanticou

  1. Bonjour à tous ,
    Je vous propose de prendre connaissance de l’extrait du dernier livre de Romain Jeanticou
    ( grand reporter à Télérama ) qui vient de paraître , « Terres de luttes »

    Il met en avant un clin d’œil sur la personne engagée qu’est Alain PLAISIR et les idées fondatrices du CIPPA que tout membre doit, me semble-t-il, maîtriser.
    Je vous en souhaite une bonne lecture!
    Diane

    « Il faut augmenter les surfaces agricoles en récupérant les terres en friche, faciliter la formation et l’installation de jeunes paysans avec des aides financières et logistiques, mais il faut aussi protéger la production avec une politique douanière », avance Alain Plaisir en caressant la touffe de poils immaculés qui ponctue son menton. Ce retraité de Gourbeyre, petite ville sur les hauteurs de Basse‐Terre dont le degré d’inclinaison des rues n’a rien à envier à celles de San Francisco, est intarissable sur le sujet. Les prix et les taxes, voilà son cheval de bataille depuis qua‐ rante ans. Alain a fait toute sa carrière dans les douanes – l’entrée et la sortie de marchandises, il connaît. Ma venue lui fait rater le dernier match de poule de l’équipe de France à la Coupe du monde de foot. Il n’est pas « anti‐ Français », précise‐t‐il, il soutient la France et, comme beaucoup de ses compatriotes en Guadeloupe, le Brésil. Né un an avant que l’archipel passe de colonie à département français, en 1945, il grandit à Basse‐Terre, où il participe en mars 1967 aux émeutes déclenchées par l’agression d’un cordonnier ambulant noir par un commerçant blanc. « Je me sens alors guadeloupéen pour la première fois et deviens nationaliste d’instinct. Les événements de mai 67 quelques semaines plus tard me confortent dans l’idée que nous ne sommes pas des Français à part entière s’il est possible de nous massacrer en toute impunité. » Il passe le concours des douanes et arrive en France à l’hiver 1967, d’abord à La Rochelle puis à Paris, une semaine avant Mai 68. Il est affecté aux douanes de la gare de l’Est, où les cheminots de son syndicat, la CGT, rejoignent le mouvement étudiant pour demander de meilleurs salaires et conditions de travail. Place de la Bastille, il est surpris d’apercevoir un groupe d’Antillais dans ces manifestations « de Blancs ». Des militants de Lutte ouvrière, avec qui il va occuper les locaux du Bumidom, l’organisme chargé d’accompagner l’émigration des habitant·es d’outre‐mer vers la France. « Les étudiants occupaient la Sorbonne, les artistes l’Odéon, en tant que jeunes Antillais, on a choisi d’occuper les bureaux de ceux qui vidaient nos territoires de leur jeunesse. » Après s’être formé à Marx et Trotski, c’est Malcolm X et Angela Davis qui s’affichent sur son casier dans le vestiaire des douanes. « J’étais à fond Black Panther, sourit‐il. J’arrivais en boubou avant de mettre ma tenue de travail et j’avais une chevelure afro qui ne plaisait pas au chef des douanes car mon képi ne tenait pas sur
    ma tête. Il m’a obligé à la couper. » Il est muté en Guadeloupe en 1985, où il monte avec quelques camarades la Centrale syndicale des travailleurs guadeloupéens pour ne plus dépendre de la CGT française, puis rejoint le Groupe révolution socialiste, parti indépendantiste antillais. Mais c’est finalement vers la voie d’une autonomie politique et économique de la Guadeloupe au sein de la République française qu’il se tourne. « Ma formation économique et mon expérience de douanier au cœur de l’appareil d’État m’ont mené à cette option », argumente‐t‐il. Il lui semble impossible que la Guadeloupe puisse tenir sans le budget de 2,6 milliards par an alloué par l’État français, notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé. « Je suis partisan de laisser ces domaines à l’État, ainsi que les fonctions régaliennes – police, justice, armée. En revanche, il est indispensable que nous disposions de nos propres instances de décision, ainsi que des compétences fiscales et douanières. Il ne s’agit pas d’une simple mesure tech‐ nique : c’est un pilier du développement économique et de l’organisation sociale. »
    Alain Plaisir estime qu’une autonomie fiscale de la Guadeloupe lui permettrait de récupérer 627 millions d’euros de taxes, impôts et droits de douane qui vont actuellement à l’État. « Cela permettrait de protéger la production locale, de garantir la sécurité des approvi‐ sionnements, de lutter contre le chômage, d’assurer un niveau de vie équitable aux travailleurs et des prix raisonnables aux consommateurs. » L’autonomie viendrait réparer ce qu’il juge être « une insulte à l’histoire, à la géo‐ graphie et à la culture guadeloupéennes » : l’application du droit commun français aux Antilles. « Les DOM sont intégrés à un espace européen situé à 7 000 kilomètres d’ici qui les empêche de mettre des barrières tarifaires à leurs frontières, tout en étant considérés comme des pays étrangers quand cela arrange la France : les fournisseurs français qui exportent en Guadeloupe sont exonérés de TVA sur leur marchandise, comme vers les pays hors Union européenne ! » L’ancien douanier cite l’exemple de la Polynésie, la Nouvelle‐Calédonie et Saint‐Barthélemy, dont le statut de pays et territoires d’outre‐mer (PTOM) français a permis des réformes fiscales décidées par leurs propres institutions. « Avoir notre hymne et notre drapeau, ce n’est pas ce qui m’intéresse, complète‐t‐il. Ce qu’il nous faut, ce sont les moyens juridiques de mener une autre politique économique qui permette à la Guadeloupe de sortir de la dépendance à la France héritée de la colonisation et de s’inscrire dans un mouvement mondial qui conteste le libre‐échange et le capitalisme pour assurer de meilleures conditions de vie pour toute la population. »

    Commentaire de notre très cher Bernard BANNY, après lecture de l’extrait de R. JEANTICOU sur A. PLAISIR
    A propos d’Alain Romain Jeanticou a tapé dans le 1000. On a l’impression qu’il a vécu à coté d’Alain, un peu comme son ombre tant son papier exprime le projet de notre camarade dans toute sa plénitude.
    Bernard BANNY

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