28/04/2024

POUR QUI PRENEZ-VOUS LES MARIE-GALANTAIS ?

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Si nous paraissons gentils, il ne faudrait pas, pour autant, nous faire passer pour des imbéciles. Il y a six mois de cela, l’État dépêchait une Préfète sur Marie-Galante pour faire un diagnostic général des problématiques majeures dont le but serait de porter des solutions afin de sortir l’île, au plus vite, de sa longue agonie.

Un énième diagnostic, pour quoi faire ?

Lorsque l’on connait, à première vue, les grands freins au développement de l’économie de cette île, par suite de trop nombreux états des lieux, de rapports et que sais-je encore…, déjà existants ? Il y a trente ans que cette île se meurt et ce n’est plus un cas d’école, de savoir qu’il va définitivement falloir consolider et optimiser la filière « canne-sucre-rhum ». Cet effet d’annonce défonce des portes
ouvertes pour constater que l’eau de mer est belle et bien salée.

Marie-Galante est un terroir riche et sain en matière du développement agricole. Elle a eu cette miraculeuse chance de n’avoir pas été infectée par la chlordécone, d’où une perspective d’amplification jusqu’ici, pas suffisamment prise en compte par la haute autorité. Ce n’est pas pour rien qu’elle a démontré « an tan
Soren », qu’elle était le grenier vivrier de la Guadeloupe.

Dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, elle supportait le besoin en pois-de-bois des Îles du Sud et de la Guadeloupe. À un point tel, qu’il a même été inventé sur cette île, une machine à écosser le pois d’angole. Nous achèterons hélas, pour la Noël à venir, des pois-de-bois venant du Costa-Rica ! Qu’en est-il de toute cette dynamique aujourd’hui ? Qu’a-t-on fait pour pérenniser la filière ?

Je me souviens encore d’une époque, où la ferme de VIDON desservait le besoin en viande et sa production en lait frais, mise en sachet sur place, couvrant l’intégralité de la demande locale.
Qu’en est-il aujourd’hui de cette ferme pilote ?
Ne serait-il pas possible d’agir pour qu’elle renaisse de ses cendres ?

Évidemment, on n’a pas pu et surtout pas su gérer l’Abattoir, le seul de l’île, aujourd’hui hélas, définitivement fermé. Cet abattoir inauguré en grandes pompes avec les ustensiles les plus modernes et les plus performants de l’époque.

Jadis, je me souviens encore de cette période, où ce lieu d’abattage se
trouvait derrière l’hôpital Sainte-Marie. Lieu où tous les bouchers du pays se retrouvaient afin, bon gré malgré, d’activer une économie qui permettait, tout de même, à des familles entières d’exister.
Ce même abattoir fut transposé au lieu-dit la Cible. On peut le comprendre, l’ancien était situé derrière un hôpital et une décharge publique à ciel ouvert. Celui de la Cible était déjà bien plus moderne que le premier. On sortait du Moyen Âge pour passer dans le luxe. Il fonctionna des années durant, mais contre toute attente,
l’intégralité des ustensiles disparaissaient en catimini, au grand désespoir du SYVOM ou de notre Communauté des Communes. De plus, on avait fini par le rendre obsolète, dès lors dédaigné de tous par le manque d’entretien et de suivi.

Par ailleurs, on se souvient encore, lors d’un fameux reportage TV, de
l’horreur constatée de la technique d’abattage à l’ancienne et des conditions d’hygiène de cette structure, devenue une honte monumentale pour Marie-Galante. C’est alors, avec grand plaisir que ce nouvel abattoir flambant neuf a vu le jour, non loin de l’emblématique Usine de Grand-anse. Malheureusement, on a pensé budget de construction en oubliant totalement l’essentiel, c’est-à-dire le fonctionnement. Cette structure complètement abandonnée et fermée, est devenue un furoncle sous le nez des responsables de la Communauté des Communes de l’île. Conséquence, alors que je vous parle, je confirme, Marie-Galante ne dispose pas d’abattoir et les éleveurs doivent acheminer leur cheptel par péniche vers celui du Moule. On comprend ainsi la belle intelligence rendue pour le prix d’un kilo de viande locale, revenue à son point de départ. Or, les politiques ont la lourde tâche de combattre la vie chère, objet des évènements de 2009. Que fait-on depuis ? Que propose-t-on pour permettre la restructuration et le réel développement de la filière viande et élevage ? Comment peut-on, un seul instant, concevoir le développement moderne d’une île de 12 000 habitants, fonctionnant de manière descente sans un abattoir ? On a indirectement légiféré et authentifié l’abattage sauvage à l’ombre des manguiers. On ira dire après, que les Marie-Galantais sont des sauvages et autres…

De plus, il y a tout de même un paradoxe qui me glace le sang, quand je pense à mon île. Je me dis que les Marie-galantais anciennement étaient certes moins instruits, mais force est de constater, avec un recul certain, que le Pays fonctionnait mieux. Nous étions aussi davantage respectés et le bon sens guidait nos actions.

Dans le domaine de la médecine, nous avons encore en tête le nom de
certains grands médecins et chirurgiens qui ont sauvé bien des habitants de cette île par suite de maladie ou d’accident grave. L’hôpital Sainte-Marie carburait, la Polyclinique Saint-Christophe, les officines, les cabinets médicaux, les dispensaires aussi, etc. … et l’on se rendait sur la Guadeloupe vraiment pour les cas les plus
graves. Maintenant, c’est l’hélicoptère qui transfère nuit et jour les personnes vers le CHU de Pointe-A-Pitre.

Comment peut-on, narquois, assister à la fermeture de l’Hôtel COHOBA, revendu à l’encan comme une viande avariée ? Attirant dès lors, tous les flibustiers et charognards du monde. Comment peut-on accepter la fermeture de l’Hôtel CAP RÊVA, à Capesterre,
la structure posée là, comme une honte lugubre, emblème de notre léthargie et de notre immobilisme ?

Lors des récentes Élections Municipales et Régionales, on a entendu parler d’un chantier de modernisation de l’appontement de Grand-Bourg, nous sommes en fin d’année 2022 et rien ne se fait. On en a assez de ces effets d’annonces, nous prenant pour des abrutis sans réflexion aucune. J’aimerais bien savoir où en est ce projet ?

Je vous invite maintenant à prendre votre voiture en parcourant la montée de Lalane ou de Beaufils, l’élagage depuis des décennies n’est pas fait, les arbres se touchent des deux côtés des abords de route en arrachant les fils électriques qui dorment parfois tranquillement à même la route, des mois durant. Si un Pays n’arrive même pas, même plus, à maintenir l’esthétique de sa nature, la sécurité des habitants, le nettoyage et l’hygiène de ses espaces… alors, nous pouvons
sérieusement mettre en doute l’idée d’un quelconque développement
économique.

Des personnes ont brigué des postes politiques dans un esprit de revanche futile et hypothétique comme un leitmotiv existentiel, au détriment d’un Projet réel, d’un Programme tangible pour sortir cette île du macabre et de l’assistanat de sa population. Quid des jours, des mois et des années à venir… faudra-t-il le chaos pour s’apercevoir de l’horreur et du lugubre qui, sournoisement, s’installent ? Quand allez-vous enfin ouvrir les yeux ?

Je n’en dirai pas davantage sur cet horrible parcours visuel à ciel ouvert qui traduit la morosité dans laquelle se trouve cette île. Je souhaite revenir sur cette mission du constat de la porte ouverte opérée par une Préfète, pour essayer de nous décrire mieux que nous, ce que nous vivons depuis des décennies et que d’aucuns ne cessent de dénoncer. Tout cela, après six mois, pour déboucher sur le simple fait, qu’il va falloir développer la filière « canne-sucre-rhum ». De qui se
moque-t-on ? C’est un scandale et une honte intellectuelle. Comment redispatcher la motivation pour cette relance ? Quels sont les    moyens ? Quel budget ? Géré par qui, et comment ? Quelles sont les modalités d’avancer et de surveillance de cette entreprise ? Sur quelle durée et, à quand le changement espéré ?

Au sujet de l’Usine de Grand-Anse, j’aimerais aussi savoir où l’on en est, s’agissant de la fameuse enquête sur l’explosion de la chaudière ? Accident ou sabotage ? De même, où en est-on, concernant la réalisation de l’Unité Centrale produisant l’énergie électrique nécessaire pour pérenniser le bon fonctionnement de l’unité    sucrière ? Cette belle idée de l’indépendance énergétique de notre île ?
Est-ce subitement devenue une chimère ? Notre Préfète ne dit mot sur tous ces sujets, mais les Marie-galantais sont très accueillants, l’île est attachante… blablabla !

Qu’en est-il du développement des relais pour la diffusion d’un réseau téléphonique qui couvre toute l’île ? Développement touristique certes, mais le téléphone portable ne passe même pas en allant simplement à Capesterre ; a fortiori à l’intérieur des terres ? Les mêmes interrogations sur la propagation
d’Internet sur tout le territoire, encore trop de zone blanche à une époque où, tous les documents administratifs et bancaires se font sur le Net ?

On a refait, à coups de millions, la piste d’atterrissage en revoyant l’éclairage nocturne et le goudronnage de l’espace. Cependant, on a en amont et en aval totalement oublié l’inexistence d’une Compagnie Aérienne digne de ce nom, pour assurer la desserte rationnelle de la destination. On continue à mettre la charrue avant les boeufs, autant de dépenses pour deux coucous qui se posent aux Basses. Notre Préfète s’est-elle rendu compte de toutes ces problématiques ?

L’argent public gaspillé sans réflexion aucune, et le Pays est toujours dans la stagnation à cause d’individus incapables de la moindre pensée constructive. Je n’ai rien contre le moulin de Bézard ou autres…, mais quand des familles restent, en 2022, sans adduction d’eau potable, sans électricité et sans une totale couverture du téléphone portable, je dis qu’il y a des urgences ?

Par ailleurs, on a récemment parlé de l’éventuelle fermeture de la Sécurité Sociale sur l’île et voilà maintenant, que se rajoute le spectre du départ aussi, des Impôts. Bonjour les dégâts, lorsque les Marie-Galantais vont devoir aussi systématiquement se déplacer à Blachon pour le moindre petit problème d’impôt, sur le revenu ou de taxe foncière. A ce moment, il faudra alors s’attendre à l’amplification des difficultés en matière de droit de succession et l’indivision regagnera du terrain, sclérosant davantage les perspectives de modernisation de
l’île.

Le lycée Hyacinthe BASTARAUD est en sursis, faute du nombre d’élèves requis. L’absence de natalité et le dépeuplement galopant ne vont pas améliorer la situation si nous n’agissons pas pour inverser la courbe. De plus, la Communauté des Communes, elle-même, dans ces offres d’emploi, a déjà amorcé une forme d’interversion par la mélanine, accentuant ainsi, le trou démographique des autochtones. Nous assistons, en effet, à un remplacement systématique du
personnel par des individus essentiellement de l’hexagone. Attestant alors, consciemment ou inconsciemment, que les locaux sont des incapables. Il n’y a pas pire suicide collectif programmé que celui de désavouer ses propres frères, son propre peuple, aux yeux de soi-même et des autres. Comment peut-on, à ce point, devenir le propre bourreau de sa terre ? Quid de la question de la DIGNITÉ ?

Je dis qu’il n’y a pas de fumée sans feu, cette stratégie d’annoncer des
malheurs afin d’appuyer inconsciemment, par anticipation, sur le bouton maléfique de l’inacceptable, pour finir par rendre le pire “acceptable” dans l’inconscient des gens. Un Pays où l’on serait même capable de dédiaboliser le diable en personne, dans le but de le faire passer pour un saint. Dans cette culture de l’échec, il faudrait
un jour se poser la question : qui profite du crime ? Qui cherche à nous vendre la mort de notre île ?

Des décennies durant, nous avons vu le Pays se vider, alors que nos
représentants locaux n’ont jamais osé imposer sur la table des réflexions ce sujet pourtant, on ne peut plus crucial. Il fallait d’urgence, essayer d’en débattre avec tous, pour tenter de trouver, au plus vite, des solutions afin d’arrêter cette hémorragie de la désillusion.

En ce sens, comment comprendre et supporter aujourd’hui, depuis quatre ou cinq ans déjà, qu’il n’y ait aucun Service Maternité dans cette île ? Marie-galante serait-elle réduite à n’être définitivement plus qu’un mouroir à ciel ouvert ? Comment concevoir un seul petit instant, l’idée même qu’il n’y ait plus aucun Marie-galantais qui naisse sur ce territoire ? Quand on connait la fierté de ce peuple, à battre son estomac et à crier dans le blanc des yeux d’autrui, « Je suis
Marie-Galantais » ! An sé moun mawigalant, moun lanklo !
Comment ? Comment accepter cela ? Encore une fois, à qui profite le crime ?

Il faut désormais avoir le courage de le dire, le Pays régresse et sombre sans mot dire sous le regard « fouté-pa-mal » de ceux qui en ont la charge. Les mêmes qui s’esclaffent et ont l’air tout à fait satisfaits de cette banqueroute programmée.

Madame la Préfète, je ne mets pas en doute votre bonne volonté, il est vrai que l’île est gracieuse et attachante, mais il faudrait bien plus aujourd’hui, pour remettre ce Pays sur les rails du modernisme.

Dans le cadre du changement Institutionnel et très probablement Statutaire qui vont devoir suivre sous peu, en Guadeloupe, il serait urgent de concevoir une réflexion consensuelle pour optimiser le concept des Îles du Sud qui, jusqu’ici, n’a jamais fait l’objet d’une profonde et moderne pensée, suffisamment virile afin de combattre les mauvais temps à venir. Le champ de tous les possibles doit enfin s’ouvrir, si nous ne voulons pas disparaitre dans le demi-siècle à venir. Je n’y serai pas, mais d’aucuns par-delà le temps, oseront répéter haut et fort, que je l’avais dit.

Bernard N’DENDÉLÉ LECLAIRE
Président du CIPPA
Grand-Bourg le, 12/11/22

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