La souveraineté alimentaire, réponse au libre-échange commercial de l’UE
Récemment, le député européen Patrice Tirolien et le président du Conseil régional de la Guadeloupe se sont émus des accords que l’Union Européenne vient de signer avec des pays d’Amérique centrale (Costa Rica, Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Panama). Ces pays ont annoncé la conclusion d’un accord de libre-échange après trois ans de négociations.
Des accords de commerce multilatéraux ont été conclus dans la foulée entre l’UE et la Colombie, ainsi que le Pérou, d’autres négociations sont en cours avec les pays du MERCOSUR (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay). Ces accords surviennent après ceux signés par l’Union européenne fin 2008 avec les pays d’Amérique centrale (Equateur, Costa-Rica, Salvador), qui prévoient une baisse des droits de douane sur les importations de banane. Ces droits de douane seraient abaissés de 150 euros en 2009, 141 en 2010, puis progressivement d’ici 2015, pour atteindre 116 euros la tonne. Nos illustres parlementaires ont estimé, à juste titre, que ces accords étaient dangereux pour la banane guadeloupéenne. Paradoxalement, ces mêmes élus sont des partisans acharnés de l’intégration européenne et du libre-échange.
Que pèsent leurs pleurnicheries, face aux intérêts des puissances firmes européennes, dans leur marchandage avec les États-Unis et les pays émergents ?
Par exemple, l’industrie agro-alimentaire européenne veut exporter massivement du lait pour essayer d‘écouler ses excédents en Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay. Les pays du Mercosur, eux, veulent augmenter leurs exportations agricoles vers l’Europe, qui en contrepartie, aurait un large accès à ces marchés émergents pour y vendre leurs produits manufacturés.
Ce sont ces négociations qui ont lieu au niveau planétaire, « cycle de Doha » dans le cadre de l’OMC, qui elle-même est l’instrument de mondialisation libérale.
C’est dans le cade de la mondialisation qu’a été défini, le principe de la clause de la nation la plus favorisée, qui stipule que chaque pays membre doit traiter de manière identique les produits « similaires ». Il est illégal de discriminer entre différents fournisseurs étrangers de produits similaires, tous devant être favorisés au même titre.
C’est à partir de ce principe, que les multinationales américaines qui produisent des bananes en Amérique centrale ont pu attaquer l’Union européenne en lui contestant le droit d’accorder un régime préférentiel aux bananes des pays ACP. L’OMC a donné raison à Washington.
Une autre production traditionnelle, le sucre, est aussi condamnée. Comme pour la banane et pour les mêmes raisons, l’OCM (Organisation Commune du Marché) sucre (une organisation qui donnait une garantie d’écoulement à notre production) a été démantelée.
En effet, le règlement autorisant l’accès au marché communautaire en franchise des droits et hors contingent aux producteurs des 48 pays les moins avancés (PMA) a été adopté le 26 février 2001.
Ce règlement a été révisé en 2006, à la suite de la plainte déposée par les grands producteurs mondiaux de sucre : Brésil, Australie et Thaïlande, contre la politique européenne considérée contre protectionniste.
La libéralisation complète du marché est intervenue le 1er juillet 2009, avec une réduction des droits de douane de 20% dès le 1er septembre 2006 aux frontières européennes.
Dans le même temps, les ministres de l’agriculture de l’Union Européenne ont adopté le 29 novembre 2005, une nouvelle réforme du régime sucrier qui réduit les avantages de leurs producteurs (dont les nôtres) sur le marché mondial. Le prix garanti qui était de 632 euros la tonne, a été ramené en quatre ans à 319 euros la tonne.
Pour compenser les pertes des usiniers et des agriculteurs, l’État a consenti des aides dont les modalités sont définies dans une convention. Cette convention porte sur la période 2007-2015. Et après ?
Tous ce processus est codifié dans des textes, accords internationaux, règlements européens et nationaux.
On peut s’étonner alors de l’étonnement de nos élus !
Il est temps de parler vrai aux Guadeloupéens, les productions agricoles, dites traditionnelles sont plus que menacées à l’exportation. Même, s’il faut défendre ces productions, il est temps d’élaborer une alternative économique, basée sur la CONQUÊTE DU MARCHE INTÉRIEUR.
Il faut produire des denrées agricoles et agro-alimentaires pour satisfaire le marché guadeloupéen qui est loin d’être négligeable, puisque nous importons pour plus de 600 millions d’euros de produits agricoles et agro-alimentaires.