L’impossible développement
Chaque élection régionale est l’occasion de nombreux discours sur le développement économique. Ainsi, lors des dernières élections, nous avons même entendu un candidat (heureux) nous promettre un nouveau modèle économique. En réalité, chaque année qui passe voit s’aggraver la situation économique de la Guadeloupe, avec la disparition des activités productives dont la conséquence la plus visible est l’augmentation du chômage et de la délinquance. Au delà de ces discours électoralistes qui nous promettent un avenir radieux, il y a la dure réalité des chiffres. Les faits sont têtus !
Dans son panorama, paru en juillet 2016, l’IEDOM donne des chiffres accablants sur l’état de notre économie. Dans le domaine du commerce extérieur, nous apprenons que la Guadeloupe a en 2015 acheté (import) pour 2 milliards 534 millions d’euros et a vendu (export) pour 222 millions. Pour parler clairement, plus de 2,5 milliards ont quitté la Guadeloupe pour enrichir d’autres pays et 220 millions sont entrés en Guadeloupe, soit un taux de couverture de 8%. Concrètement, cela veut dire que l’argent ne fait que transiter dans notre pays.
Cette situation à des causes internes, disons franco-françaises ou franco-guadeloupéenne. Depuis l’époque coloniale, la Guadeloupe a toujours été un marché pour les entreprises françaises : « on vous achète sucre rhum et bananes et vous nous achetez tout le reste ». Ce système favorise les exportateurs de France qui peuvent écouler leurs produits, sans trop souffrir de la concurrence. Ce système avantage aussi les importateurs guadeloupéens (plus souvent békés martiniquais) en leur permettant de faire d’énormes profits sur les consommateurs. Cette alliance objective entre exportateurs et importateurs est l’un des principaux obstacles au non développement d’une production guadeloupéenne. Ni les exportateurs, ni les importateurs, n’ont intérêt au développement d’une activité qui pourrait limiter, leurs profits. L’ETAT non plus, qui perçoit la TVA sur le transport et les marchandises.
Cette situation a aussi des causes externes : Depuis plusieurs décennies s’est développé au niveau mondial un capitalisme néolibéral. Le modèle du capitalisme libéral préconise le libre échange et envisage un monde de concurrence. D’où de nombreux accords de libre-échange entre l’Union européenne et le reste du monde. Le libre échange est basé sur la théorie des avantages comparatifs.
D’après cette théorie, tout pays dispose d’un avantage comparatif pour certains biens et peut tirer un gain de l’échange de ces biens contre d’autres biens offerts par d’autres pays.
L’ouverture du marché doit permettre de trouver ailleurs des biens moins chers sur le marché international que sur son propre marché. A partir de cette théorie, il n’est pas nécessaire de produire du sucre en Guadeloupe, quand on peut l’acheter moins cher au Brésil, en Inde, voire à l’île Maurice. Il n’est nécessaire de faire de la banane en Guadeloupe, quand on peut l’acheter au Salvador ou au Costa –Rica. Ce n’est pas la peine de faire de l’élevage en Guadeloupe, les fermes bretonnes nous pourvoirons en viande, lait, beurre…. Pourquoi pécher dans les eaux de Guadeloupe, quand on peut acheter le poisson au meilleur prix en Chine, où au Pérou, les crabes à Madagascar, l’igname au Costa-Rica… ainsi de suite, jusqu’ la disparition complète de nos productions, qui ne bénéficient aux yeux des capitalistes d’aucun avantage comparatif. Et pour faciliter ce commerce international, les grandes puissances vont supprimer toutes barrières aux frontières et toutes restrictions quantitatives et qualitatives.
La Guadeloupe étant un département français et une région européenne, elle n’a aucun moyen ni de se protéger’, ni d’établir les règles de son commerce extérieur et intérieur.…
Il est clair que c’est le statut départemental qui est le principal obstacle au développement économique de notre pays.
Le statut départemental empêchant la mise en œuvre d’une autre politique et d’un autre modèle, il faut donc un nouveau STATUT. Le statut des PTOM semble actuellement le plus approprié.
Le CIPPA se prononce et milite clairement pour un statut de PTOM qui permet :
• la substitution de certaines importations par la conquête du marché intérieur.
• la transformation des produits semi-finis acquis auprès des pays à bas salaires pour les exporter vers l’UE.
En effet les Pays et Territoire d’Outre-mer peuvent percevoir, sur les importations de toutes provenances, y compris de l’Union européenne, des droits et taxes qui répondent aux nécessités de leur développement et aux besoins de leur industrialisation, ou qui aient pour but d’alimenter leur budget.
Les PTOM disposent d’un libre accès au marché européen sans être tenus par la réciprocité (comme le sont les DOM) car ils jouissent du droit de protéger leur marché intérieur.
Les règles d’origine sont beaucoup plus souples pour les PTOM que pour les DOM. Les PTOM peuvent exporter, dans la communauté européenne, des marchandises considérées comme originaires de leur territoire et également des produits des pays tiers partiellement transformés, ce qui n’est pas le cas des DOM qui sont soumis à des règles strictes en matière d’origine. Ainsi un produit peut être considéré comme originaire d’un PTOM lorsqu’il est obtenu à partir de produits non originaires du PTOM.
Le cumul d’origine avec des matières premières originaires des pays ACP est également possible.
• Il existe d’autre part une procédure de transbordement (article 36 de la décision d’association) permettant aux produits non originaires des PTOM qui se trouvent en libre pratique dans un PTOM d’être réexportés vers l’Union européenne en exemption de droits à l’importation.
Alain PLAISIR